Quelle sexualité possible après un cancer du sein?

Toute personne atteinte d’un cancer peut être est témoin d’une altération de sa vie sexuelle voire même de sa  réduction  à néant. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et sont dramatiques : sur 100 patients atteints de cancer, environ 75% souffrent de problèmes sexuels une fois leurs traitements terminés, d’où la nécessité de lever les tabous sur ce sujet.

 

Marissa, 42 ans,  témoigne : « J’ai appris que je souffrais d’un cancer du sein  lors d’un examen de routine. Un cancer très invasif aux dires de mon médecin. L’ablation du sein fut un choc terrible pour moi ainsi que la perte de mes cheveux que je retrouve encore en touffes dans la baignoire. Je passe mes jours à fuir mon reflet dans le miroir et mes nuits à pleurer cette perte d’une partie de moi-même. Je suis actuellement sous chimio, je me sens complètement desséchée physiologiquement et moralement, comme une branche sèche qui craque en automne. A 42 ans, la ménopause a envahi mon existence 10 jours après le début du traitement. Aux bouffées de chaleur et insomnies se rajoutent la fatigue voire l’épuisement. Je n’ai plus aucune libido, aucune envie, je sens mon corps sexuellement  éteint. Mais j’ai peur de perdre mon époux tout au long de cette rude épreuve. Je me force alors à lui faire l’amour mais la douleur est omniprésente et je multiplie les infections urinaires. En fait j’ai peur que le cancer ne s’attaque à mon couple comme il s’est acharné sur mon corps. Mon mari a beau me répéter qu’il ne m’a jamais trouvée aussi belle, mais son regard compatissant m’insupporte. Je crains de m’éloigner de lui pourtant je sens que j’ai besoin de protéger mon corps de toute nouvelle intrusion tant qu’il n’est pas prêt. Je ne sais pas quoi faire. J’envisage une reconstruction mammaire. Mon médecin m’encourage à le faire. Malgré sa bienveillance, je n’ose pas lui parler de mes problèmes sexuels. Je crains son jugement, d’ailleurs comment pourrait-il me venir en aide ?  »

 

Dr. Sandrine répond: 

Chère Marissa, comme vous le décrivez dans votre émouvant témoignage, le cancer du sein et son traitement impliquent des conséquences physiques et fonctionnelles en plus de leur impact sur le psychisme et sur l’image de soi. Quelques éclaircissements…

 

Un corps mutilé

Vivre une mastectomie (ablation totale d’un sein) pour une femme est un réel traumatisme. Il est normal qu’il vous soit difficile de vous regarder dans un miroir, de toucher votre cicatrice. Cependant, vous refugier dans la fuite du regard de votre partenaire n’est pas la bonne solution.

A la suite de votre opération, vous vous sentez probablement touchée de plein fouet dans votre image corporelle, le sein étant un signe extérieur de féminité. La perte d’une partie du corps tel le sein s’accompagne de plus de la perte des sensations de bien être et de plaisir lors des caresses érotiques durant les rencontres amoureuses avec le partenaire. Il peut être donc difficile de se réapproprier ce corps blessé dans son intégrité.

Notre conseil : Parlez-en à votre médecin

La chirurgie de reconstruction peut vous  permettre de retrouver des repères par rapport à votre image corporelle et de vous restaurer au plan psychologique, mais ne restituera pas les sensations physiques antérieures de plaisir associées au sein.

 

Un corps meurtri

Par ailleurs, les symptômes liés à la progression de la tumeur ou aux différents traitements, comme les nausées et la douleur, peuvent altérer une partie ou l’ensemble de l’acte sexuel.

La ménopause induite par le traitement, affecte de façon sérieuse la qualité de la vie sexuelle de la femme traitée pour un cancer. Lorsque l’activité ovarienne est arrêtée par hormonothérapie, ou chimiothérapie, le manque d’œstrogènes va provoquer des bouffées de chaleur et une atrophie vaginale. Le désintérêt pour le sexe est davantage lié à l’inconfort produit qu’à une modification hormonale. Les symptômes sont souvent plus importants que lors de la ménopause naturelle pour laquelle les modifications se font de façon progressive.

Notre conseil : Parlez-en à votre médecin

S’il est vrai qu’un traitement avec des œstrogènes est contre-indiqué chez les femmes traitées pour un cancer du sein, votre médecin peut vous proposer des solutions alternatives.

Le traitement des bouffées de chaleur comprend une gamme de produits que votre médecin peut vous conseiller. Récemment, il a été démontré que des progestatifs délivrés à faible dose et certains antidépresseurs avaient une action très efficace.

 

Un corps douloureux

Les rapports sexuels douloureux constituent la plainte la plus souvent évoquée par les femmes traitées pour un cancer. La douleur génitale coïtale est généralement provoquée par la sécheresse vaginale. Ces modifications découlent de la perturbation de l’équilibre hormonal et sont à l’origine des douleurs et d’une sensation de brûlure.

Le risque d’infection urinaire résultant peut être réduit par un réflexe simple : videz votre  vessie immédiatement à la suite de chaque coït.

Physiologiquement, la lubrification vaginale maximale n’est atteinte qu’après une phase préliminaire de caresses et d’excitation. Un rapport est alors d’autant moins douloureux que les préliminaires sont  prolongés.

Notre conseil : Parlez-en à votre médecin

Pour pallier à la sécheresse, l’utilisation de lubrifiants vaginaux et des relations sexuelles régulières sont le meilleur remède. Cependant, parfois la douleur est la conséquence d’une contracture involontaire et invincible de l’entrée du vagin: le vaginisme, empêchant toute pénétration. En parler à votre médecin est alors nécessaire car sa résolution spontanée est  rarissime.

 

Un couple menacé

La douleur, la fatigue, mais aussi le piège du dégoût éprouvé par son partenaire ou de son propre corps et son cortège de culpabilité divisent des couples pour qui le cancer agit comme un révélateur de la vulnérabilité de chacun. Or, la sexualité, lieu sacré du privé et de l’intime, peut être le premier tremplin victorieux contre la maladie. A condition de ne pas la cantonner à des normes et à des scénarios rigides et surtout inadaptés, mais à l’étendre à une variété de pratiques et d’attitudes de plaisir et d’échange, selon le moment et les circonstances.

Notre conseil : Parlez-en à votre partenaire

Ce qui importe pour vous et votre époux est ce qui vous procure à chacun de la satisfaction dans vos relations. Ainsi, il n’existe pas de comportement sexuel stéréotypé dans ces circonstances.

Si nécessaire, oubliez la pénétration ! Des excitations de toutes sortes et différentes d’une personne à l’autre permettent d’atteindre un certain niveau de satisfaction adapté à chaque sujet.