Devenir parents tout en restant amants

Routine, fatigue, stress seraient les grands responsables de notre libido en berne. Mention spéciale pour la jeune maman débordée par le bambin et le baby blues, complexée en prime par son corps aux rondeurs persistantes. Quand bébé s’en mêle, le virage est à prendre en douceur et dans la complicité pour garder la sexualité au cœur du couple. Explication du Dr. Sandrine Atallah.

 

Panne de désir

« Depuis mon accouchement, je n’ai plus tellement envie de faire l’amour. Je ressens toujours un besoin de tendresse mais le coté charnel du sexe ne m’intéresse plus autant. Du coup, les câlins s’espacent. J’ai peur que cet éloignement n’affecte mon couple. Ces changements, sont-ils d’origine hormonale ou psychologique ? » Frida, 33 ans

 

Sans doute les deux ! Le désir féminin est très influencé par l’équilibre hormonal, or sur le plan physiologique, la grossesse suivie de l’accouchement sont de véritables cataclysmes hormonaux. Ajoutez à cela le stress lié à la naissance et à son flot de nouvelles responsabilités, les cicatrices de l’épisiotomie, les nuits hachées, les difficultés d’organisation, les nouveaux rythmes à prendre selon ceux de bébé, le manque de temps… Enfin, n’oublions pas l’allaitement et sa montée de prolactine, le baby blues et sa petite note de déprime…On en déduit tout de suite qu’il s’agit d’un épuisement objectif ! Et d’une indifférence sexuelle physiologiquement programmée. La baisse de désir sexuel est inévitable. Il est donc naturel qu’une jeune maman n’ait pas envie de reprendre une vie sexuelle trépidante au cours des premiers mois. L’important est de ne pas s’enliser dans cette torpeur.

 

Quelques astuces afin de renouer avec une sexualité épanouie

·       Ne culpabilisez surtout pas ! Au contraire, tachez de vous reposer et de poser vos priorités. Profitez même de cet intermède pour redécouvrir la sensualité : caresses et massages sont les bienvenus. Il faut être patients et garder un contact physique en s’immergeant dans un bain de tendresse.

·       Multipliez les moments d’intimité avec votre époux mais sans votre nouveau-né. Cela peut être simplement une sortie, un cinéma, un dîner en amoureux et grand-maman sera plus que ravie de chouchouter bébé. Il est important que le jeune papa ne se sente pas exclu mais au contraire qu’il se sente encore exister dans vos yeux, tout comme votre couple.

·       Communiquez ! Votre époux peut avoir du mal à comprendre les raisons de votre manque de désir ou vos craintes. Si vous ne lui parlez pas et qu’il a la sensation que vous évitez les rapprochements, vous ne ferez qu’augmenter son incompréhension et risquez de voir la situation dégénérer chacun s’emmurant dans ses pensées. Au contraire, restez tendre mais parlez franchement et n’hésitez pas à lui demander encore un peu de temps.

·       Gardez une proximité émotionnelle. Il est important de conserver des pauses câlins même si cela suppose de bousculer un peu ses habitudes d’avant. Non, on ne peut plus se retrouver sous la couette après minuit, parce qu’on est épuisés et que dans deux heures bébé va se réveiller. On s’adapte au nouvel emploi du temps…Il faut faire aussi appel à son imaginaire : l’érotisme, les caresses sans pénétration…autant d’idées pour renouveler sa sexualité sans la brusquer.

·       Discutez avec votre médecin si votre manque d’envie sexuelle devient problématique, ou si vous vous sentez déprimée, triste avec de persistantes envies de pleurer et l’impression de ne pas réussir dans votre rôle de maman. Le baby-blues est une réalité chez certaines mamans et mérite d’être dépisté et traité.

 

40% des femmes et 23 % des hommes ont connu des baisses de désir. En cause, les enfants, l’inégalité du partage des taches qui renvoient la femme a un rôle traditionnel.

 

 

Je ne retrouve pas ma place

Pour Jocelyne, 33 ans, pas facile d’être à la fois la maman parfaite, l’épouse aimante et l’employée modèle. Par manque de temps et au bord de l’épuisement, la jeune femme craque.

« Si je n’avais qu’un seul vœu à faire, ce serait de rallonger les journées d’au moins dix heures ! Maman d’un bébé de 15 mois, je ne sais plus où donner de la tête. Enceinte, j’étais pourtant rayonnante, féminine jusqu’au bout des ongles. Epanouie, je menais de front mon boulot de chargée d’événementiel, ma vie de couple et ma grossesse. Tout s’est écroulé après l’arrivée de Gary. Fusionnelle et très mère poule, j’ai arrêté de travailler pendant six mois afin de profiter pleinement de mon fils. Mais peu à peu, je me suis éloignée de mon mari. J’ai d’abord pensé que les choses s’arrangeraient avec le temps. J’avais tort. Ma libido a fini par s’éteindre complètement. Je ne ressens même plus l’envie le séduire. Des que j’arrive à la maison, j’enfile mon jogging difforme afin de cacher mon ventre rond des regards de mon mari. Quand j’ai repris le travail, j’étais plutôt soulagée : j’allais pouvoir récupérer un semblant de vie sociale. Pourtant, je me suis vite laissée déborder. Le soir, je rentre stressée, fatiguée. Je ne regarde même pas mon mari et manque de patience avec mon fils. Mon époux ne me reproche pas ma prise de distance mais je sens de l’intonation de sa voix, de son triste sourire que sa petite épouse chérie, si câline et coquette, lui manque énormément. Cette femme me manque également. A vouloir assurer sur tous les fronts, je ne parviens plus à avancer. J’ai l’impression de piétiner sur place, même pire, de reculer. Je vis la sensation angoissante de me montrer mauvaise mère, épouse pitoyable, et employée désorganisée. Je n’ai évidemment plus le temps de voir des copines, d’ouvrir un livre ou juste de prendre soin de moi. Cependant, mon couple en souffre le plus. A notre anniversaire de mariage, mon mari a voulu me faire la surprise en réservant un petit week-end en Jordanie, juste tous les deux. Il avait tout prévu : la garde de Gary chez sa mère, les billets, l’hôtel. Il avait même fait mon sac et celui de petit. Quand il m’offrit les billets, j’étais catastrophée. Non seulement, j’avais complètement oublié que c’était notre anniversaire de mariage mais en plus je n’étais pas du tout préparée pour un week-end en amoureux. J’ai paniqué : Je ne pouvais pas quitter mon fils comme ça ! De plus, je n’avais pas fait d’épilation depuis belle lurette et je ne m’étais même pas acheté un nouveau maillot depuis ma grossesse. Sous le choc, au lieu de sauter de joie, j’ai fondu en larmes. J’ai craqué. Tout concilier sans rien sacrifier, est-ce possible ? »

 

Jocelyne doit  apprendre à déléguer afin d’éviter d’être envahie par des taches qu’elle peut  alléger. Il n’est pas anormal qu’une mère souhaite d’être proche de son enfant. Cependant, la solution ne se trouve pas dans la culpabilité mais dans une nouvelle organisation. La difficulté réside dans cette séparation douloureuse que représente l’accouchement. A l’exemple de nombreuses mères, Jocelyne a investi très fortement sa grossesse. Le lien entre son bébé et elle semble d’ailleurs solide. Mais plus le lien est fort, plus il devient difficile d’envisager la séparation. Après l’accouchement, il faut parfois du temps à la maman pour reconsidérer sa place auprès de son enfant. Le rôle de l’époux est d’ailleurs d’aider la mère à se séparer progressivement de l’enfant afin qu’elle puisse s’ouvrir à d’autres intérêts ainsi qu’à la sexualité. Il est donc important que le mari de Jocelyne puisse prendre sa place dans cette relation mère-enfant un peu trop fusionnelle. Se donner les moyens d’être disponible participe aussi au rôle de mère. En s’appuyant sur l’épaule de son conjoint et en retrouvant sa vie intime ainsi que sa vie sociale, Jocelyne deviendra alors la maman qu’attend Gary. Sans cela, il risque de rester dans une dépendance maternelle qui va oblitérer son épanouissement. Jocelyne doit donc faire une pause pour exprimer ses difficultés à tout concilier et repenser avec son époux leur organisation. Le mari doit ressentir la place fondamentale qu’il tient au sein de la famille non seulement ne tant que père de famille mais aussi en tant qu’amant. De plus, n’oublions pas que confronté à la réalité extérieure, l’enfant apprend beaucoup pourvu qu’on établisse pour lui une organisation adéquate.

 

Pour retrouver votre place

1. Laissez la possibilité à vous comme à chaque membre de la famille, de s’exprimer en « lâchant prise ». Votre enfant doit aussi passer du temps avec son papa

2. Retrouvez votre indépendance professionnelle et consacrez du temps à votre couple afin qu’il retisse son intimité. Le nombre d’heures passées avec votre enfant importe moins que la qualité des moments que vous partagez avec lui.

3. Retrouvez votre pouvoir de séduction en prenant le temps de vous occuper de vous-même. Vous sentir bien dans votre peau vous permettra de reprendre confiance et renouer avec le désir

4. Apprenez à votre enfant la possibilité d’aller vers les autres sans qu’il y voie forcément un danger, notamment en l’incitant à le faire sans angoisse ni culpabilité.

 

 

Mal  dans ma peau

« Depuis ma dernière grossesse, mon corps me dégoûte. Il est flasque et difforme. Je n’ai qu’une seule envie le cacher sous une tonne de vêtements. Du coup, je me néglige et ne me sens plus séduisante. J’ai l’impression d’avoir perdu mes atouts de femme. Désormais je ne suis plus qu’une maman et je ne sais plus retrouver l’amante en moi. » Jouji, 35 ans

 

Faites la paix avec votre corps même s’il n’a pas encore retrouvé sa ligne d’antan et reste encore marqué par vos grossesses. Ce corps, vous a offert le plus beau des cadeaux alors remerciez-le et ne le voyez pas comme un ennemi. Il vous faut accepter ce nouveau corps sachant que plusieurs mois sont nécessaires afin qu’il récupère complètement.

 

Quelques astuces afin de renouer avec votre corps

·       Bichonnez-le : soins corporels raffermissants et hydratants, nouvelle coupe de cheveux, maquillage…Et ne vous focalisez pas sur vos défauts.

·       Ne portez plus vos vêtements de grossesse. Même si vous êtes encore ronde, ce stade est passé, vous êtes maintenant une jeune maman qui doit renouer avec la séduction, autant pour vous que pour votre conjoint

·       Inscrivez-vous à un cours de yoga ou de stretching.   Rien de tel afin de reprendre de retrouver en douceur un corps sain et plein d’énergie.

·       Rééduquez votre périnée. Médicalement conseillés pour éviter les problèmes d’incontinence, ces exercices retendent les muscles du vagin, ce qui est aussi excellent pour l’orgasme. Les sensations sont plus intenses avec un périnée tonique.

 

 

Il boude

«  Depuis la naissance de notre troisième enfant, un merveilleux petit garçon, mon mari est persuadé que je le délaisse et ne m’occupe plus de lui. J’ai l’impression qu’il est jaloux de son propre fils et ne sait plus comment me comporter ! » Fadia, 29 ans

 

Un refrain qui revient souvent dans la bouche des hommes surtout à la naissance d’un garçon ! La fusion totale d’une mère avec son nouveau-né male déstabilise certains pères. Ils sont jaloux ou bien ils ont du mal à faire cohabiter l’image de la mère avec celle de leur femme…Bref, ils se sentent rejetés, boudent et restent à l’écart. Dommage, il est primordial pour l’équilibre du couple et de la famille, que l’homme soit une source d’amour pour sa femme et ses enfants. Par ailleurs, suite à la naissance, le mari ne joue plus le rôle principal dans le foyer. Toute l’attention est portée sur le bébé et le papa peut se sentir négligé, délaissé. De plus, la jeune maman est esquintée, moins disponible. Le jour comme la nuit, elle ne s’occupe que de son enfant et ne parle que de lui au retour du mari du travail. Conversation qui ne favorise point un climat érotique. Sans oublier que les nuits sont ponctuées de réveils intempestifs dans l’attente des pleurs du bébé qui peuvent interrompre brusquement tout câlin amorcé. Ainsi, l’heureux papa peut se sentir désemparé face à cette relation privilégiée que la maman entretient avec le petit être sorti de son ventre. Cette exclusivité le perturbe et le pousse à laisser la place à son rival et à se mettre en retrait. Certains pères tardent à se positionner par rapport à cette nouvelle configuration familiale. Alors pour que le conjoint endosse adroitement ses deux casquettes de papa et d’amant,  il a besoin de l’encouragement de sa douce moitié. Il lui revient de responsabiliser le père vis-à-vis de son enfant en l’impliquant dans sa paternité (changer les couches, donner le bain…) ainsi que de se permettre quelques pauses loin de bébé en sa compagnie. Quant au père, à lui revient le rôle de reconquérir son épouse en lui montrant qu’elle est désirable et désirée sans lui mettre la pression.

 

Quelques astuces afin de renouer une complicité avec votre époux

·       Ne tombez pas dans le piège en l’infantilisant et le rassurant de paroles banales. L’idéal serait de parler ensemble de son sentiment d’exclusion et de vider l’abcès.

·       Faites-le participer ! Plus il va s’occuper du bébé, plus il aura avec lui des échanges émotionnels, plus il nouera des liens…et, mieux, il acceptera que sa femme en fasse autant. Soigner ensemble son enfant est un facteur de légèreté et de joie de vivre et de plaisir dans la relation de couple.

·       Laissezle seul avec bébé. Son sentiment de solitude ne tiendra plus la route trente secondes !

·       Prenez des pauses sans bébé afin de parler de tout et de rien sauf des enfants. Montrez-lui que vous vous intéressez toujours à lui, à son travail, à ses difficultés…

 

 

« Il n’a plus envie de moi depuis mon accouchement »

Marwa, 36 ans raconte : « Mon mari a assisté à la naissance de notre bébé. Nous nous étions mis d’accord qu’il me tiendrait la main sans regarder le bébé sortir. Mais au moment de l’accouchement, le gynécologue a invité mon mari à se rapprocher afin de voir la tête du bébé. C’est à ce moment-là que le pire est arrivé, mon périnée a craqué et je me suis souillée. Je n’oublierai jamais le regard de dégoût et d’effroi dans ses yeux. Depuis un an est passé, et il ne s’est jamais approché de mon sexe. Au départ cela m’arrangeait car j’avais peur d’avoir mal mais maintenant que ça dure je le vis très ma l. A chaque fois que j’essaie d’évoquer la question, il change de sujet ou prétend avoir beaucoup de boulot ou être très fatigué. On n’a jamais parlé à personne de ce qui s’est passé dans la salle d’accouchement comme si nous vivons un déni à deux. Je sens qu’il est malheureux lui aussi de cet éloignement mais que c’est plus fort que lui. Je ne sais ni que faire ni à qui m’adresser »

 

Comme le décrit Marwa, son mari est dans l’impossibilité de réassocier le corps souillé et ensanglanté de son épouse dans le cadre de l’amour et de l’érotisme. Il n’était déjà pas préparé à un accouchement sans incident, auquel peu d’hommes peuvent assister avec détachement. Pour dépasser ce blocage, Sarah et son mari ont besoin d’une aide professionnelle afin d’en discuter à deux au cours d’une consultation psychologique ou sexologique, car seuls ils se murent dans un silence pesant qui les sépare. Ils ont besoin d’évacuer les images négatives et traumatisantes. La vision choquante qui a marqué l’imaginaire de son mari s’estompera peu à peu s’il arrive de verbaliser. Cependant, cela n’interdit nullement les rencontres en amoureux  afin de rêver et de retrouver le chemin qui mène au désir sensuel.

 

Statistiques

Enquête sur le vécu des nouveaux papas

•       85 % pensaient conserver la même sexualité après l’accouchement

•       15 % ne participent pas à la préparation à la naissance

•       83 % des hommes assistent à l’accouchement

•       10 % sont perturbés après avoir assisté à l’accouchement

•       67 % sont impressionnés par leur femme

•       80 % sont gênés par la présence de bébé dans la chambre au retour à la maison

•       5 % sont dérangés par l’allaitement maternel

 

 

Et si malgré tout ca bloque !

« Voila un an qu’Eddy est né et depuis nous n’avons plus refait l’amour mon mari et moi. Ce n’est pas faute d’essayer mais quelque chose en moi bloque et la douleur prend le dessus. D’échec en échec, nos tentatives se sont espacées jusqu’à se réduire au néant. Au début, nous nous sommes dit que cela passerait avec le temps, mais les semaines, les mois s’écoulent et rien ne va… » Rania, 28 ans

 

Parfois, la naissance d’un enfant réactive des angoisses liées à notre histoire personnelle. On recontacte l’enfant qui est en nous et l’on retrouve d’anciennes émotions négatives qui nous bloquent dans la relation à l’autre. Dans le cas échéant, il ne faut pas hésiter à consulter rapidement car plus le temps s’écoule plus le couple est en danger.

 

Quelques astuces afin de renouer une relation positive à l’autre

·       Surtout ne vous forcez pas. Autant il est bon de donner un petit coup de pouce quand on se sent démotivé, autant il ne faut surtout pas insister quand on n’a plus du tout envie, quand on ressent carrément un recul ou de vives douleurs.

·       Parlez-en avec votre gynécologue afin d’éliminer toute cause organique

·       Maintenez le lien : Si la pénétration est difficile voire impossible, à chaque couple de trouver un comportement intime adapté à ses besoins et ses envies, et de se trouver un temps pour les gestes de tendresse et autres caresses. L’essentiel est de ne pas couper la communication verbale et intime.

·       Consultez. Il arrive que certains conflits liés au passé ressurgissent à la suite d’une naissance : peur de l’abandon, mère dépressive, décès d’un frère ou d’une sœur. Toute angoisse intense peut bloquer la sexualité et provoquer des douleurs. Dans ce cas, il est nécessaire de consulter un thérapeute.

 

 

Continuer à s’aimer tout au long de la grossesse : le garant d’une sexualité épanouie

Malgré les fluctuations de la libido au cours de la grossesse, poursuivre une vie sexuelle épanouie ne représente aucun danger pour bébé. La sexualité reste donc possible à moins d’un avis contraire de la part du gynécologue. Cependant, le mot sexualité n’implique pas obligatoirement une pénétration, bien au contraire les futurs parents peuvent innover leur façon de faire l’amour de sorte à préserver le confort de la future maman. Continuer à s’aimer en s’adaptant permet de consolider l’intimité des parents en devenir en affermissant les liens. Le choix des positions sexuelles devrait être guidé par le confort de la femme et ses envies au fil de la progression de sa grossesse.

Dr. Sandrine Atallah