L’ABC du X

A l’heure des connexions très-très haut débit, le business du X est devenu l’un des plus florissants commerces en ligne, depuis son « hub » principal de Californie ou depuis Prague et Budapest, véritables capitales européennes du Hard. Il est aussi hyperspécialisé et hyper exposé, avec ses codes, ses stars féminines et masculines, ses figures imposées, mais aussi et bien entendu ses travers et ses dérives. Si l’on peut être tenté de se poser tout simplement la question du pour et du contre du X, sans doute pourrait-on plutôt en isoler quelques aspects, dont certains peuvent s’avérer soit positifs, soit carrément négatifs et néfastes…

Paris, quai de Javel, samedi 31 août 1985, il est minuit pile. Sur les écrans de contrôle d’une régie finale, un trait gris barre progressivement l’écran en diagonale et l’ellipse mythique de Canal+ se met lentement à tournoyer, avec son jingle inoubliable. La petite chaîne cryptée n’a pas encore un an d’existence et les finances sont au ras des pâquerettes… L’emblématique directeur général Pierre Lescure et son inénarrable directeur des programmes Alain de Greef (décédé le 29 juin dernier) décident de frapper en grand coup en diffusant pour la toute première fois un film pornographique sur une chaîne hertzienne. Ce sera « Exhibition », de J.-F. Davy (1975), et le premier de la longue série toujours existante des « films du premier samedi du mois » de Canal. C’est aussi en quelque sorte le début de la « démocratisation » du X sur écrans individuels, après son interdiction en salles à la fin des années 70.

Les années 70 justement, âge d’or du cinéma pornographique, et son lot de « classiques », parmi lesquels « Behind the Green Door » (A. & J. Mitchell, 1972) qui reste sans doute le plus connu, et a même donné son nom à un pub chez nous à Beyrouth il y a quelques années. A cette époque, il y avait un scénario, une bande-originale, et tout ne tournait pas autour du plaisir masculin quasi-exclusif. Que reste-t-il de cet âge d’or ? Noun mène l’enquête…

 

Retour vers le futur du X

Mireille, 52 ans, nous raconte toute émoustillée : « En rangeant la cave et ses cartons, Rony remonte un samedi matin tout sourire, avec sous le bras un vieux lecteur VHS et deux ou trois cassettes dans leur étui plastique. Il avait remis la main par hasard sur une partie de sa collection de films coquins, comme il les appelait ! Il a voulu en visionner un avec moi le soir même, ce qui m’a tenté. Le lecteur VHS fonctionnait encore, et j’ai vraiment été surprise en constatant la qualité des films de cette époque ! Le scénario était travaillé, il y avait de vrais dialogues (parfois un peu cucul c’est vrai), mais ca m’a plu. Ca m’a même plutôt excitée ! »

Il est exact de constater que les films de l’époque étaient beaucoup plus travaillés. Il s’agissait de véritables films de cinéma – qui d’ailleurs sortaient en salles, chose impensable aujourd’hui – avec évidemment des scènes de sexe authentique.  Autre différence de taille, le plaisir de la femme y avait largement sa place, ce qui n’est plus que rarement le cas aujourd’hui.

To Porn: Ces films sont un retour aux racines du cinéma porno des origines. Bien réalisés, sur pellicule, avec de vrais lumières, peu de prises de vue gynécologiques et/ou obscènes.

Not to Porn: Un peu désuets certes, mais à mettre en toutes les mains pour pimenter une soirée coquine entre amoureux, en fond d’ambiance !

Impact potentiel du X « vintage » sur notre sexualité : Positif/Négatif : 3/5

Culture Porn: L’excellent documentaire de 2005 de Nicolas Castro et Laurent Préyale, « L’Age d’Or du X », l’évolution des mœurs à travers le porno dans les années 70.

 

Les dérives actuelles de l’immédiateté

Marilyn, 36 ans, nous raconte une anecdote récente :

«  Autant le dire tout de suite, je ne suis pas bigote et je sais que l’immense majorité des mecs regardent du porno. Cela m’a tout de même légèrement décontenancé de trouver un après-midi monsieur en train de regarder un X sur son iPad, d’une seule main… J’ai tout de même jeté un œil au chef-d’œuvre qu’il était en train de mater. Un truc sordide, avec deux types trop musclés en train de s’occuper d’une jeune femme… Avec une bonne dose d’humour, je lui ai dit que je préférais plutôt m’occuper de son cas ! »

Initié au milieu des années 90 avec le DVD, le virage vers la production de masse a surtout connu son essor avec les débuts de l’Internet grand public, dans les années 96/97. Tout était désormais à portée de clic et les sociétés de production ont totalement modifié leur modèle économique en privilégiant les productions de courte durée, allant droit au but, sans scenario, et hyperspécialisées. Il y en a pour tous les goûts, blondes, petits/gros seins, MILF, triolisme, latino, « interracial », etc. On ne peut plus véritablement parler de films, mais plutôt de séquences, aussi vite oubliées qu’elles ont accompli leur but masturbatoire souvent inavoué, mais vérifié à 90%. Ce « Fast-Porn » donne ainsi l’impression aux hommes qu’ils peuvent accomplir certains fantasmes interdits et leur permet donc de s’évader dans un monde ou les femmes sont des objets sexuels et les males des surhommes.

To Porn: en couplant pornographie et masturbation, les hommes se libèrent de leur anxiété de performance et se focalisent sur l’obtention d’un plaisir immédiat qui leur permet de se détendre et d’évacuer leur stress.

Not to porn: l’on peut devenir accro aux images pornos. 7 a 10 des internautes seraient dépendants de sites a caractère sexuel au point d’y passer plusieurs heures par jour. La pathologie commence surtout lorsque le consommateur de films pornographiques ne parvient plus a obtenir excitation et plaisir que par ce biais-la.

Impact potentiel du « X à la demande » sur notre sexualité : Positif/Négatif : 1/5

L’avis de la science

Un avis plutôt neutre… Les études les plus récentes démontrent que la pornographie n’a pas d’incidence notable sur la sexualité. Une des plus récentes (2013, Landripet, I. & Stulhofer, A. Journal of Sexual Medicine), tend à établir que la fonction érectile n’est pas affectée par le visionnage –même intensif – de vidéos X.

 

Culture Porn: Une jeune actrice porno française du début des années 2000, Karen Lancaume, avait été la première à dénoncer les dérives du « porno-trash ». Elle s’était même reconvertie dans le cinéma traditionnel en tournant dans l’adaptation du best-seller de Virginie Despentes, « Baise-moi », avant de se suicider quelques années plus tard…

 

Un impact délétère sur la sexualité des plus jeunes

L’un des problèmes posé par cet accès quasi-libre à une pornographie à la fois très diversifiée mais également largement irréaliste réside dans le fait que les jeunes générations prennent cela comme argent comptant …

« Je n’étais pas très à l’aise, mais lorsque je me suis rendu compte que mon fils de 16 ans regardait des vidéos X sur son smartphone, j’ai préféré prendre le taureau par les cornes », Nous raconte Antoine, 45 ans. « J’ai passé une bonne demi-heure à lui expliquer que les positions acrobatiques pratiquées ainsi que le rapport à la femme était à des années lumières de la réalité, et que ce genre de contenu n’était pas à prendre au premier degré. Sans parler de l’usage très peu fréquent des préservatifs, véritable scandale à mon sens. Khalil est un garçon sensé, je crois que le message est passé, mais combien d’autres n’ont pas eu droit à un ‘disclaimer’ … »

Un premier contact avec la sexualité pour les plus jeunes via ce type de media peut avoir des effets dévastateurs, tant au plan de la prévention des infections sexuellement transmissibles  que du respect d’autrui. Nul doute que la genèse des dérapages sexuels des jeunes prend racine dans la banalisation d’une sexualité « jetable », où l’autre est pris comme un objet pour un plaisir immédiat désinvesti de toute relation et évacué dès la jouissance atteinte. Le porno morcelle le corps en parties limitées à des fonctions. Il rabaisse la sexualité à un fonctionnement purement mécanique d’où le lien affectif est totalement absent. La mise en scène est rarement autre qu’un rapport de domination entre les partenaires où chacun des protagonistes est sous l’emprise de pulsions irrésistibles qui justifient toutes les formes de passage à l’acte…

To Porn: Tout ado a un jour ou l’autre la curiosité d’aller voir quelques images X, tout comme le jeune d’autrefois les revues érotiques. Qu’est-ce que la position 69 ? Comment pratique-t-on le sexe anal… La pornographie apporte aux jeunes des réponses aux questions qu’ils n’osent pas aborder avec leurs parents

Not to Porn: Le danger serait qu’ils prennent le style de relation exploité comme modèle pour leur vie sexuelle future. Qu’ils pensent par exemple que tout le monde ne pense qu’à faire l’amour du matin au soir ; que la sexualité n’est faite que d’agressivité et de mépris.

Impact potentiel du « X en ligne » pour les plus jeunes : Positif/Négatif : 4,99/5

Culture Porn: L’usage du préservatif est désormais obligatoire sur les plateaux californiens – sous peine de lourdes amendes – depuis 2013 seulement ! On aurait pu croire l’affaire réglée… Sauf qu’on constate depuis lors que beaucoup de sociétés de production se délocalisent en Floride, ou la législation locale n’est pas si contraignante. C’est sans doute là l’un des vrais scandales du X. Les producteurs arguent du fait que leurs « clients » n’aiment pas voir des rapports sexuels protégés…

 

Du X destiné aux femmes aujourd’hui ?

Qu’en est-il des femmes ? Aiment-elles le porno ? En dehors des vieilles productions précédemment évoquées, et l’industrie du X étant à 95% créatrice de « contenus » réservés aux hommes, qu’existe-t-il ?

Lana, 37 ans, nous répond : « Evidemment que j’aime le porno ! Mais pas n’importe lequel ! Il faut qu’il y ait un scenario crédible, un bon montage et du sexe. Pas des fantasmes chelous et gore, juste du sexe, du cul quoi »

Commençons par le pourquoi les hommes aiment-ils particulièrement le porno. Tout d’abord, parce que les hommes sont plus « visuels » que les femmes. Les hommes sont en effet beaucoup plus réceptifs aux images que les femmes qui seraient plus sensibles aux ambiances et aux mots. Ce qui explique l’émergence d’un nouveau style de film pornographique plus scénarisé ciblant la population féminine. En effet, pour sortir du triptyque standard « fellation/cunnilingus/pénétration », il faut se tourner vers des « niches » spécialisées et confidentielles qui proposent des films destinées aux femmes, où leur plaisir a encore sa place, et où celles-ci ne sont pas ravalées au rang de simple objet de plaisir désincarné, voire sordide… Ce créneau dispose de ses « muses », telle l’ex « hardeuse » Ovidie, qui centre ses véritables films sur le plaisir féminin. La montée du désir, les préliminaires et ses caresses, jusqu’à de véritables orgasmes non-simulés. Et surtout avec des acteurs qui ne se prennent pas pour des surhommes…

To Porn: On peut y découvrir une approche véritablement différente et un retour des scénarios et des dialogues.

Not to Porn: Parfois Loulou n’est pas fan ! A expérimenter en cas de solitude…

Impact potentiel du « X pour femmes » sur notre sexualité : Positif/Négatif : 4/5

Culture Porn: En 2003, Cedric Klapisch réalise un court-métrage érotico-pornographique axé sur le plaisir féminin, « La Chambre ». Exemple éloquent de ce que le cinéma traditionnel peut apporter au X.

 

Mars ou Venus ?

S’il est vrai qu’un homme sur deux regarde régulièrement des films classes X, notamment entre 25 et 49 ans, les femmes ne sont plus en reste puisque selon l’Enquête sur le Contexte de la Sexualité en France de 2006 une sur cinq s’adonne à ce genre de petit divertissement.

Cependant, les hommes regardent plus souvent un film seul et se masturbent devant alors que les femmes, elles, y trouvent plus de sens avec leur partenaire sexuel.

 

Un peu d’humour tout de même !

En France, où le droit à la satire et à la parodie est très bien protégé, certains producteurs se sont spécialisés dans les pastiches/remakes de classiques du cinéma traditionnel ou dans l’adaptation de faits divers.

Karim, avec un grand sourire aux lèvres, nous raconte une expérience de visionnage récente : « Sur un site spécialisé, je suis tombé l’autre jour avec un ami, sur un vrai film scénarisé, « DXK », pour David Sex King, adaptation française parodique de l’affaire DSK. Désopilant !! Un vrai sosie, la femme de chambre, etc. Tout y était ! Mais du coup, pas excitant pour un sou tellement tu te retrouves mort de rire ! »

Certains s’en donnent en effet à cœur joie, « Hotdorix » pour Astérix, « Penetrator » pour Terminator, « Blanche-fesse et les 7 mains » ! Les scénaristes sont sans limite ! En décembre 2014, deux humoristes de la chaîne Canal+ (encore !) réalisent un pastiche avec des extraits de films X – scènes de comédie uniquement – en refaisant le doublage : « Message à caractère pornographique ». Hilarant !

To Porn: On rigole bien

Not to Porn: effet érotique : zéro. Plutôt pour une rigolade entre amis que pour pimenter une soirée avec son amoureux/amoureuse.

Impact potentiel du « X humoristique » sur notre sexualité : Positif/Négatif : 1/5

Au début des années 2000, le studio américain détenteur des droits du film d’animation culte « Qui veut la peau de Roger Rabbit » (« Who Framed Roger Rabbit » dans son titre original) avait attaqué devant la justice française une société de production X parisienne pour son pastiche au titre assez gratiné : « Qui veut la bite de Roger Rappeau » (authentique !). Procès qu’ils ont perdu au nom du droit à la parodie !!

 

Alors, to Porn or not to Porn en couple ?

Joëlle, 32 ans, catastrophée demande conseil : « J’ai toujours su que mon mari aimait les films pornos. D’ailleurs, il ne s’en est jamais caché. Etudiant, il avait un poster de Clara Morgan dans sa chambre et il en était fier ! Mais je croyais naïvement qu’il délaisserait avec le temps ce passe-temps de prépubere.  Or, il m’envoya récemment par email un article qui tentait de démontrer que regarder des films pornographiques en couple serait bénéfique et améliorerait la sexualité conjugale.  Au départ, je crus qu’il me taquinait et me contentai de lui répondre par un smiley face coquin. Or quelques jours plus tard, il rappliqua et me demanda par whatsapp de choisir un film « chaud » pour le soir.  Heureusement le soi-même, sa voiture tomba en panne et le sujet fut esquivé. Mais depuis, tellement de questions me taraudent. N’est-il pas satisfait sexuellement avec moi ? Devrais-je tenter l’expérience ? Je ne sais pas quoi faire. »

Faut-il tenter le coup ? La aussi, il s’agit d’une lame a double tranchant. Regarder des films porno a deux peut certes faciliter et enclencher le désir mais cela implique aussi quelques risques, telle la désillusion et la déception vis a vis de la réalité. D’ailleurs certaines études semblent indiquer que de telles pratiques refroidissent la libido au lieu de relancer la flamme. Une étude menée au sein de l’Université d’Alabama révèle que les couples qui sont des consommateurs habituels de films pornographiques sont globalement moins satisfaits de leur sexualité que ceux qui ne le sont pas. Selon l’étude,  la pornographie au lieu de pimenter la vie sexuelle des couples conduit plutôt a une désillusion et a un jugement de l’autre basé sur la performance.

To Porn : Un peu de peps, tel un film de temps en temps, peut être utile s’il stimule l’imaginaire et vient mettre de la fantaisie dans une vie sexuelle trop tranquille.

Not to Porn : attention aux abus ! Tenter le coup n’est viable que s’il ne devient pas une addiction chez les partenaires.

Impact potentiel du « X en couple» sur notre sexualité : Positif/Négatif : 3,8/5

 

Culture Porn

Selon un sondage Ifop réalisé pour le groupe Marc Dorcel, leader français de la production pornographique, le film porno est de plus en plus utilisé par les couples afin de pimenter leur vie sexuelle.

Ce sondage révèle une forte acceptation des femmes à regarder un film porno avec leur partenaire si celui-ci le leur demandait :

+67% accepteraient

+mais 30 % le feraient seulement pour faire plaisir

Toutefois, 36 % seulement des couples ont fait l’amour en regardant un film porno.


Guide Porn de la débutante…

A éviter a tout prix

  1. Vous comparer aux actrices…vous ne pouvez en aucun cas leur ressembler… n’oubliez pas que leur métier est actrice de films pornographiques…inutile de vous remettre en cause
  2. Commenter le film en direct…tout le ridicule du scenario ressurgira et inhibera toute possibilité d’excitation
  3. Faire comme… Il ne faut surtout pas tenter de reproduire les poses un peu techniques des acteurs spécialises…le film est juste un déclencheur et non un modèle a suivre

Le bon compromis : optez pour la distance : utilisez le film comme un fond sonore stimulant  sans vous focaliser sur les images et les scènes.